Exposition : des invisibles en pleine lumière

Culture

Des oeuvres de Rodolphe Huguet : "place à l'humanité" ,"Elle est loin la retraite"

Révolté par la misère et l’exclusion, le plasticien Rodolphe Huguet part au contact des sans-abris et braque son projecteur sur leurs conditions de vie en, créant des objets à messages très voyants. Une immersion empreinte de beaucoup de chaleur et d’une pointe d’humour.

Dernière mise à jour : 05 avril 2024

« L’ égalité est en congés » ; « Ma vie n’a plus de batteries » ; « Mon paradis fiscal accepte carte bleue avec contacts chaleureux ». Des slogans chocs floqués sur des gobelets, des couvertures et des sacs cabas très colorés. Difficile de ne pas voir sur les trottoirs gris ces objets donnés aux sans-abris. L’auteur de cette démarche s’appelle Rodolphe Huguet. Il est l’invité de La Terrasse, espace d’art de Nanterre, où il présente Survivre métier à suivre. Depuis plusieurs mois, cet artiste arpente les rues de notre ville et de La Défense avec des associations, comme Emmaüs et La Cloche, à la rencontre des personnes à la rue. Il leur offre ces kits réalisés avec l’aide des élèves de la section mode du lycée Louise-Michel et nous force à tourner notre attention vers eux. « Ils sont très touchés et rient souvent en lisant les phrases. Je pense par exemple à Goran, qui vit sous un pont à La Défense depuis dix ans, à qui j’ai offert un sac imprimé de “la médaille d’or du courage” et décoré avec les anneaux des Jeux olympiques… » Dans la salle d’exposition, ces corps et ces visages photographiés et reproduits sur des couvertures et des duvets sont mis en lumière. Les pièces créées pour La Terrasse feront écho à d’autres oeuvres plus anciennes, objets détournés, comme des caméras de surveillance en bronze réalisées à partir de briques de lait ou des maisons-valises fabriquées avec des tuiles, symboles du toit protecteur. « J’ai toujours travaillé sur la souffrance humaine, au contact des migrants ou des travailleurs pauvres, comme les mineurs au Brésil, les tisserands en Inde et au Népal. Ils m’apprennent ce qu’ils font, je détourne leurs objets et nous communiquons sans la langue. » L’exposition nanterrienne clôt un cycle de trois saisons autour de la notion du Care. Un concept qui signifi e une plus grande attention à soi, aux autres, à son environnement, et dont la dimension collective est mise en avant cette année à la faveur des Jeux. Commissaire invité de l’exposition, le philosophe et essayiste Patrick Viveret, lequel animera une rencontre fin mars, est l’auteur en octobre 2023 d’un manifeste cosigné par plusieurs intellectuels dont Edgar Morin et intitulé « Place à l’humanité ! ». Un beau programme…

Survivre métier à suivre : à La Terrasse, espace d’art (57, boulevard de Pesaro).
Entrée libre, jusqu’au 30 mars (du mercredi au vendredi de 12h à 18h et le samedi de 14h à 18h). Afterwork, l’exposition à travers le regard d’acteurs de la ville et de la région : le jeudi 29 février à 18h. Rencontre publique animée par Patrick Viveret : le samedi 23 mars à 16h.